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Interview du magazine Scene, janvier 1963


Cet article a été publié dans le magazine anglais Scene le 26 janvier 1963.
L'identité du reporter est incertaine. Il s'agit de Ronnie ou Richard Gilbert. Cet article a été de nouveau imprimé dans l'ouvrage de Clinton Heylin " More Rain Unravelled Tales " (Nouvelles histoires de pluie éclaircies) en 1984.




Demain dans le top 20.

L'apparition soudaine de la musique folk dans les charts apporterait la preuve du pouvoir d'assimilation de Tin Pan Alley. Comment agira le présentateur en costume étriqué avec Bob Dylan, le petit génie à l'allure nonchalante de la musique folk ?

Dylan fait de son mieux pour parler, s'habiller et se comporter comme un gars des montagnes du Tennessee.

Lorsque je l'ai rencontré pour la première fois, il faisait vaguement allusion à un départ pour Rome, Paris ou peut être New York. Il se souciait très peu de ne pas avoir terminé l'enregistrement d'une pièce " Madhouse on Castle St." (La maison de fous de la rue du Château) pour la BBC et que dans tout Londres des conférenciers se querellaient sur le fait que le contrat de Dylan arriverait à échéance et que cela risquerait d'allonger de quelques semaines le temps de production de cette pièce.

" Ils m'ont payé deux mille dollars pour jouer dans cette pièce, fit Dylan. Ils devront verser la même somme une fois encore si je dois rester trois semaines de plus pour jouer cette pièce ".

" Alors que pour moi, peu importe qu'il s'agisse de deux ou quatre mille dollars. Cela représente beaucoup trop d'argent. Et qu'est-ce que l'argent par rapport à trois semaines complètes ? Perdre trois semaines, c'est beaucoup trop. "

Dylan est l'une des stars les plus importantes de la musique folk dans le circuit américain…

C'était encore l'heure du petit-déjeuner pour le jeune homme ébouriffé qui a ouvert la porte sur laquelle figurait le panonceau " Ne pas déranger ". Un visage émacié parcouru par une barbe juvénile m'apparut lorsqu'il repoussa de la main une masse informe de cheveux qui cachait son regard. Il était assis sur son lit, les pieds nus, les jambes croisées en tailleur.

Son étui à guitare traînait au centre de la pièce, un tas de tee-shirts roulés en boule débordait de la valise, une grande veste crasseuse en peau de mouton gisait sur le lit à l'endroit-même où elle paraissait avoir été jetée la nuit précédente.

Les connaisseurs affirment que Dylan est le plus passionnant des chanteurs blancs de blues et de folk que l'Amérique ait produit. Il est l'auteur de la plupart de ses chansons et les interprète avec cœur, s'essayant à retrouver la beauté rude des mélodies interprétées par les ouvriers agricoles autrefois assis sous leurs porches. Il s'accompagne à la guitare et à l'harmonica (accroché à son cou).

Dylan parle comme Brando lorsqu'il imite ces ouvriers agricoles du sud : " Je n'appartiens pas à ce monde du Show Business, dit-il. L'argent ? J'ignore tout des sommes que je gagne. Je pose parfois la question ou ne la pose pas. Je ne sais pas non plus combien je dépense, j'ai les poches percées. "

Les rideaux étaient encore baissés dans sa chambre et le restèrent encore trois heures durant.

" Je n'aime pas chanter pour d'autres que les Américains. Mes chansons disent des choses. Et je les chante pour ceux qui en comprennent le sens ".

" Je ne fais plus que des concerts désormais, dit-il. Je ne joue plus dans les clubs. Il y a quelques années de ça, quand j'avais besoin d'argent, ils refusaient de me payer. Aujourd'hui, ils m'écrivent sans cesse pour me demander de jouer. Je réponds parfois par un refus, d'autres fois je ne réponds pas du tout. Et pourtant, ils me sollicitent encore m'offrant même des pourcentages et tout ça ".

Dylan s'habille pour sortir déjeuner à la cafétéria du coin avec son impresario, M.Albert Grossman.

Plus tard cet après-midi là, M.Albert Grossman et Dylan ont pris la décision de terminer la pièce, dans laquelle Dylan interprète le rôle d'un guitariste errant.

Une semaine plus tard, je tombai à nouveau sur M.Grossman et Dylan toujours à Londres. Dylan portait maintenant un chapeau noir bordé d'une bande colorée.
Dylan s'effondra dans un fauteuil de sa loge luxueuse au nouveau théâtre du Prince Charles…



Traduction d'Agnès Chaput.


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